Aujourd'hui, mercredi 29 janvier, il neige à gros flocons depuis 14 h 00. Juste au moment où je m'apprêtais à me rendre à l'atelier à Volonne, de grosses plumes m'ont dissuadée de prendre le volant. Je vais donc mettre en ligne cet après-midi une recherche que j'avais faite sur la dentellière, que je partage avec mes amies dentellières de Volonne. (Ci-dessous, Michèle, experte donne des conseils à son élève).
LA DENTELLIERE
Dentellière, un métier tout en finesse pour des demoiselles aux doigts de fée ?
une phrase que j'avais relevée :
..."Certes un travail d’agrément pour les dames de la bonne société, la dentelle reste pour de nombreuses ouvrières rurales une activité du soir. Elles y laissent leur vue, leur santé mais ne font pas fortune pour autant" …
La dentelle se distingue
C’est à Venise vers la fin XVème siècle que naît l’art de croiser avec finesse les fils de lin, de soie, d’or ou d’argent, sans utiliser de support textile. En cela, la dentelle est différente de la broderie et de la passementerie. En France, le terme apparaît au XVème siècle. A côté de la dentelle à l’aiguille, naît la dentelle aux fuseaux, moins noble mais plus facile et plus rapide.
La demande s’enflamme pour ces parures riches et changeantes au gré des modes (cols, collerettes, manchettes, jabots, mouchoirs, revers de bottes …). Les ateliers se multiplient. Couvents et autres institutions fournissent une main d’œuvre féminine bon marché. La marchandise en vogue est vendue au détail par les merciers et propagée par les colporteurs. Dans plusieurs régions, notamment le Nord, des manufactures voient le jour. L’importation est aussi nécessaire pour répondre à la consommation. Des lois somptuaires, dès 1629, tentent de restreindre l’utilisation de la dentelle à la noblesse et à la cour. Avant la Révolution, l’industrie dentellière entame un lent déclin.
Petit appoint au cœur des campagnes :
A la fin du XVIIème siècle, c’est essentiellement dans les campagnes, à côté des activités purement agricoles et d’un artisanat destiné à satisfaire les besoins locaux, que la fabrication de la dentelle occupe une part notable de l’activité des populations. Ainsi, au nord de Paris, la dentelle constitue une industrie rurale importante, répartie sur soixante-dix villages situés sur les axes routiers reliant Paris aux Flandres, producteurs en matière première.
Les paysans (laboureurs, marchands fruitiers, coquetiers, vignerons, jardiniers et manouvriers) partagent leurs activités avec la fabrication de la dentelle pour les marchands de dentelle, au service d’une demande extérieure. Les artisans (cordiers, vanniers, bûcherons, charpentiers …) travaillent plutôt à l’échelle de leur paroisse ou des paroisses voisines, pour une clientèle locale.
Les ouvriers en dentelle, hommes, femmes et même enfants, y trouvent, à la mesure de chacun, une variété de tâches qui s’insèrent dans le rythme et les activités de la vie rurale. La dentelle reste donc liée de très près à la vie agricole et s’insère sans difficulté dans les temps morts de celle-ci. Elle apporte un appoint de ressources monétaires appréciable. Ce jusqu’au milieu du XIXème siècle où l’apparition de la dentelle mécanique condamne la dentelle au fuseau à n’être plus qu’un art d’agrément.
Les manieurs de fuseaux
Le travail de la dentelle dans les campagnes est un travail dispersé dans chaque foyer, pour ne se regrouper qu’à la faveur du soir. A la fin du XVIIème siècle, l’arrivée des manufactures provoque les réactions du milieu rural et convient mal avec le rythme en pointillé de cet artisanat. C’est la dentelle aux fuseaux qui prédomine dans les foyers ruraux, la confection du point à l’aguille nécessitant une grande finesse de toucher, incompatible avec les travaux manuels des champs….
Dans certaines campagnes, il y a bien peu de foyers où la dentelle n’ait trouvé des mains pour la travailler, des femmes et des filles qui y sont habituées dès sept ans. La main d’oeuvre dentellière est avant tout féminine. Apprendre à faire de la dentelle fait partie de l’éducation de toute fille et signifie se rendre capable de gagner sa vie. Pourtant, on trouve également des hommes en nombre appréciable, qui manient le fuseau entre autres activités lucratives ou de subsistance.
L’apprentissage, toujours individuel, de la dentelle chez un maître dure de cinq à huit ans et s’échelonne de 13 à 25 ans. Les espoirs de promotion individuelle ou familiale sont faibles et les enfants des ouvriers n’accèdent pas plus à la marchandise que leurs pères.
File, file, la petite dentellière …
Les Instruments : trois fois rien
La dentelle aux fuseaux se fait sur un petit métier appelé, selon les régions, oreiller à dentelle, carreau ou coussin. L’oreiller est constitué, en arrière du plan où s’opère le mouvement des fuseaux, d’un tambour tournant sur un axe horizontal. Sur un tambour est fixé le patron, bande de parchemin sur lequel le dessin de la dentelle est traduit en trous où les épingles en laiton viennent se fixer. L’ouvrière le met sur les genoux ou le pose devant elle sur un tréteau de bois blanc. Un oreiller à dentelle, quelques dizaines ou centaines de fuseaux, des épingles, voilà les instruments nécessaires à la dentellière. Peuvent s’y ajouter, dans un panier d’osier, quelques bobines portant le fil à dentelle, une aulne ou demi-aulne à mesurer et plus rarement un rouet. Mais le marchant fournit en général les fuseaux tout chargés.
Un métier portatif, à la chandelle :
La légèreté de l’équipement n’exige ni investissement, ni locaux spéciaux, ni entretien. L’ouvrière dentellière peut s’installer pour travailler devant sa porte ou sa fenêtre, d’où elle surveille les allées et venues de la rue et interpelle à l’occasion le passant. Elle peut ensuite se transporter avec son oreiller chez une voisine ou chez son marchand. Le travail au fuseau ne nécessite pas d’être bien éclairé. Cela facilité le travail nocturne, jusque vers neuf et dix heures du soir, au coin de la chandelle. Souvent pourtant au détriment de leur vue …
Veillées autour de la chandelle
La mobilité de cet artisanat favorise les regroupements, tout spécialement à la fin du jour. Hommes et femmes, la plupart avec leur oreiller à dentelle, se retrouvent dans les étables. "La commune fréquentation que font les habitants à travailler en passemens et bisette es estable de plusieurs maisons" est soulignée par le prévôt de Goussainville en 1636. On y discute, on s’y dispute , on s’informe, les nouvelles s’y colportent….
….. sous l’œil du marchand :
Les marchands de dentelles, avec leurs femmes, participent à ces veillées, exerçants une surveillance sur les ouvriers et ouvrières. Le marchand contrôle minutieusement les quantités de matières premières qui doivent se retrouver dans le produit fini. Avant d’être remises à l’ouvrière, les "estoffes", avec patron et parfois échantillon, sont pesées et les quantités confiées consignées, le cas échéant dans le livre-journal du marchand. De plus, chaque marchand a ses propres patrons personnalisé qu’il sait distinguer de ceux de ses concurrents.
Le marchand n’est pas seulement celui qui fournit du travail, il est aussi le banquier qui prête ou avance de l’argent lorsque l’ouvrier doit "subvenir à ses affaires urgentes et nécessités". Ces avances et prêts, portés sur le livre-journal font partie du compte de chaque ouvrier. Vouloir quitter son marchand, c’est se mettre en état d’apurer ses comptes avec lui. Quelques marchands, selon leur réussite professionnelle, arrivent à s’élever et demandent à la ville toure proche le statut de bourgeois, importante promotion sociale.
Dentellière à la lumière de Balzac
" Quand venait le soir, une lampe dont la lumière passait à travers deux globes de verre remplis d’eau jetait sur leur ouvrage une forte lueur qui permettait à l’une de voir les fils les plus déliés fournis par les bobines de son tambour et à l’autre les dessins le plus délicats tracés sur l’étoffe qu’elle brodait ".
Les métiers de nos ancêtres.
Archives et culture
Très bientîot en ligne les inscriptions pour la prochaine
rencontre des Dentellières à UPAIX
Le 15 Août 2014 - Organisation "Castrum de Upaysio"
Ps : Je vous recommande un très bel ouvrage :
"La Dentelle des Pays de Savoie"
que l'auteur, elle-même m'a dédicacée le 31 mars 2012, lors des journées des Métiers d'Art à Forcalquier.
et le livre incontournable de Claire Le Goazio :
"Dentelles du Queyras et des Vallées voisines"